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发布时间:2020-06-30 08:07:32

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作者:Various

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L'Illustration, No. 3677, 16 Ao?t, 1913

L'Illustration, No. 3677, 16 Ao?t, 1913试读:

APRÈS LA GUERRE

Voici la guerre finie et la paix signée.

La paix! Cela nous semble, par moments, une pousse nouvelle. C'est un mot qui n'a pas l'air balkanique, et je dois, pour y croire, faire un véritable effort de volonté. Est-ce que l'entente des négociateurs ue va pas, à la dernière minute, craquer sur un point de frontière, sur un nom de ville disputée? N'allons-nous pas apprendre demain que ces peuples, agités de spasmes rentrés, se sont relancés les uns sur les autres? Nous le trouverions fort naturel. Et cependant, non. Une certitude secrète, nécessaire, nous dit tout bas que l'arrêt des hostilités est définitif, ou, du moins, que, si c'est du provisoire, il va durer un bon bout de temps. Nous sentons que l'heure a sonné de la suprême lassitude, qu'aujourd'hui Grecs, Serbes et Monténégrins vainqueurs, Turcs et Bulgares éprouvés, Roumains agrandis et intacts, tous n'ont plus qu'un désir, celui de liquider, de récolter, grasse ou maigre, la terrible moisson, et de commencer à «s'y reconnaître» aussi bien dans l'élévation que dans la chute. Trop de sang a coulé. Même rouge on se lasse à la longue de la pluie. Celle-ci a donné tout ce qu'elle pouvait donner. Elle a fait tout le bien et le mal exigés, attendus. Elle a arrosé, fécondé, noyé, submergé, desséché et rafraîchi. La terre en est saturée... et ne le boit plus. Elle le rejette, le rend à ses enfants, comme pour leur prescrire qu'ils aient maintenant à garder le peu qui leur en reste, car il n'y a plus une goutte à perdre.

* * *

On est sans voix dès que l'on songe à la quantité, à l'étendue de deuils et de ruines qui crient «réparation», la seule désormais efficace, celle de la paix, succédant à celle des armes. Tout la réclame, l'impose, les morts et les vivants, le ciel et le sol, les drapeaux fatigués et les canons brûlants, les rois pensifs et les soldats sublimes d'hébétude. Le repos, le noble repos est la conséquence fatale et souveraine des saintes fatigues, le sommet des escalades épiques. Le mort... que veut-il dès qu'il a gagné ce triste et magnifique nom? qu'on l'enterre et que sur sa tombe on ne fasse plus de bruit. La chair... que veut-elle dès que trouée, taillée, elle a conquis ces beaux galons pourpres de la blessure? qu'on la panse et qu'on la laisse doucement se recoudre et se refermer. Ainsi, la guerre, par une juste et mystérieuse loi, qui montre bien qu'elle n'est pas aveugle et sauvage, mais juste et divine,... ainsi la guerre est-elle la première, quand le silence qui suit la tuerie lui dit que l'instant est venu, à se tourner du côté où elle sait que va venir la paix, et à lui faire signe de loin d'approcher, qu'elle est désormais prête à s'en aller, à lui céder la place, car la guerre, plus intelligente, encore une fois, que ne le laissent croire aux esprits superficiels son brutal extérieur et ses façons de massacre, n'ignore pourtant pas qu'elle n'est faite, n'existe, n'est permise et n'a de raison d'être inévitable, que pour son résultat, celui de la paix, d'une paix meilleure, plus grande, plus longue, assise sur de plus solides bases de richesse et de gloire.

* * *

Voilà près d'un an qu'elle durait, cette guerre! Pendant des mois elle nous a passionnés. Nous en avions la curiosité quotidienne, l'émouvante habitude. Nous en suivions avec une ardeur infatigable et souvent malsaine les récits d'épouvante et de beauté. Elle était notre feuilleton vécu, héroïque et affreux. Rien ne nous en a été dissimulé, malgré les précautions initiales. Tout s'est découvert, au fur et à mesure. Nous avons su les batailles, les victoires, les défaites, les marches foudroyantes, les retraites débandées, les convois et les exodes dans la boue, dans ta neige, les prises de mosquées, les bombardements; les espoirs et les déconvenues, et les hideurs aussi, dont la photographie et le dessin ne nous ont pas fait grâce... Par les lettres des correspondants et les sinistres images prises sur ces lieux de tristesse et de dévastation, nous pouvons dire que nous avons tout connu, tout vu... Et cependant, même en ayant dévoré les comptes rendus sans sauter une ligne, même en ayant scruté d'un œil sec et décidé les plus terrifiants témoignages de l'appareil et du crayon, nous savons que nous n'avons rien vu qui approchât de la réalité!... Et nous ne pouvons également, sans une espèce de honte et de confusion, nous empêcher de nous rappeler que très vite, avec l'accoutumance, nous avions pris, de cet état et de cet enchaînement de catastrophes, un besoin monotone d'abord, et puis une fatigue dégoûtée. Nous commencions à être blasés. Le poignant récit de guerre et le cliché horrifique portaient moins sur notre esprit et nos nerfs. Encore un trimestre et nous n'y aurions pas plus fait attention qu'à une réclame-pilule de quatrième page.

A la fin nous devions nous appliquer, nous donner une grosse névralgie pour nous persuader qu'à une distance relativement petite, en plein choléra, on se coupait le nez et les oreilles et que la terre était à feu et à sang pendant qu'ici les jeunes femmes dansaient, avec une inquiétante et onduleuse grâce, le tango provocateur. Mais cet effort même à nous souvenir, succédant à la passion de nos curiosités premières, a eu pour nous des effets d'une puissance utile. Nous avons pris l'habitude d'entendre parler de la guerre et de l'accepter, d'apprendre qu'en dépit de tout elle peut arriver, d'un instant à l'autre, qu'elle est humaine, foudroyante comme un mal, contre lequel on ne peut rien et que personne au monde n'est capable d'empêcher. C'est l'appendicite des nations. Nous l'avons vue à l'œuvre, cette guerre, nous en avons ressenti le formidable contrecoup. Et cela nous a fait réfléchir, au moment même où, dans notre pays, sous la patriotique et généreuse impulsion du gouvernement et de la France entière, était votée de pied en cap la nouvelle loi militaire de contrepartie, de défense et de sauvegarde.

Ainsi la secousse des Balkans, qui a ébranlé l'Europe depuis onze mois, a fait lever chez nous des résolutions et des hommes. Je sais bien que beaucoup de gens trouvent que l'on parle trop de la guerre, qu'on y pense trop, qu'il n'y en a plus que pour elle. C'est la faute et le devoir des temps présents. Il faut qu'elle soit notre préoccupation nationale si nous voulons éviter l'occupation étrangère. Nous ne pouvons pas, quelque amour, quelque désir et quelque respect de la paix que nous ayons, nous désintéresser de la guerre. Cela est partout en menace, autour de nous, contre nous, sur nous.

Ces choses ont été dites des milliers de fois. Répétons-les en ne craignant pas de perdre la pudeur du rabâchage. Un libraire parisien vient de faire traduire une brochure, très répandue, paraît-il, en Allemagne, et que j'ai reçue ces jours derniers. Cela est intitulé: le Partage de la France en l'an 19..?? Ce qu'on verra un jour. Et il y a une carte de la France démembrée, après anéantissement rapide de ses armées, et envahissement de son territoire. Je ne parlerais pas de cet opuscule d'une sottise et d'une pauvreté sans nom, si, malgré son absence totale de valeur militaire, littéraire, scientifique et documentaire, il n'était révélateur de l'état d'esprit et de convoitise haineuse de nos voisins ennemis. Feuilletez ce petit rien. Pour ridicule qu'elle soit, la lecture n'en est pas indifférente, grâce au cynisme de la gourmandise qu'elle étale. Après que nous avons nous-mêmes déclaré les premiers (bien entendu!) la guerre à l'Allemagne, nous sommes aussitôt abandonnés par l'Angleterre et la Russie. Écrasés sur toute la ligne en très peu de temps... envahis de tous les côtés, nous ne pouvons bientôt plus continuer la lutte... et savez-vous pourquoi?... «parce que le lieutenant d'artillerie Nuglish, descendant du parfumeur universellement connu, a inventé une bombe asphyxiante qui rend illusoire la guerre dans les airs». C'est donc la fin de la France. Et elle est ainsi dépecée, de la façon la plus simple, comme vous allez voir, au congrès de Zurich. L'Italie reçoit la Tunisie, l'Algérie, la Gascogne, la Guyenne, le Dauphiné, le Languedoc et la Provence. L'Angleterre a l'Artois et la Picardie, et nos possessions de l'Inde française. L'Espagne obtient le Maroc, l'Autriche Madagascar. Le reste de la France est la part de l'Allemagne. Quant à la Russie, elle n'a rien à prendre chez nous et on lui a donné la Perse et l'Afghanistan...

Tout cela serait risible, encore une fois, s'il n'y avait pour arrêter le rire, non point l'idée que de pareilles exceptions sont réalisables, mais l'idée qui ressort de semblables petits faits et de bien d'autres faciles à relever, que jamais, jamais l'Allemagne n'a eu et n'aura l'intention de nous provoquer ni de songer à nous attaquer, qu'elle veut la paix, la bonne paix... et qu'en mettant sur pied une armée de huit cent mille hommes elle ne pense évidemment qu'à travailler pour le roi de Prusse!

Partage de la France en 19..?? Henri Lavedan.

(Reproduction et traduction réservées.)

AVEC LES VAINCUS

Marcher derrière une armée heureuse; suivre à pas allègres, d'un minaret à l'autre, l'essor de la Victoire; n'avoir à dépêcher jamais à son journal que des bulletins triomphants, quel sort digne d'envie, pour un correspondant de guerre! On participe à l'ivresse des succès; on savoure sa part des vivats et des fanfares alternant avec les sifflements des obus. Et les narines se dilatent, et la poitrine se bombe... il semble qu'on ait un peu gagné la bataille à laquelle on vient d'assister du quartier général.

Georges Rémond n'eut point tant d'heur, ni tant de gloire; les fidèles lecteurs de ce journal le savent, il était avec les vaincus,' et, dans le fond de son âme, il leur demeure fidèle, à sa louange. Le livre pathétique où, reprenant et parachevant les nerveuses correspondances qu'on a lues dans ces colonnes pendant toute la durée de la première guerre balkanique, il vient de fixer ses souvenirs (1), porte au seuil cette dédicace: Au colonel Djemal bey, gouverneur militaire de Constantinople qui, au milieu de la défaite, conserva une âme invaincue et ne douta jamais de la, Patrie.Note 1: Avec les vaincus. La campagne de Thrace, octobre 1912 mai 1913. (Berger-Levrault, éd.)

Sa sympathie pour les Osmanlis remonte au temps où, pour L'Illustration, Georges Rémond assistait, au milieu des camps turco-arabes, à la défense de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Témoin de l'héroïque résistance qu'avaient opposée à l'envahisseur ces patriotes, il en avait conçu pour eux une estime profonde, et, partant pour Constantinople au début des hostilités, il comptait bien retrouver aux rives du Bosphore, aux champs de la Thrace le même enthousiasme indéfectible, le même farouche désir de vaincre. D'ailleurs, les chefs qu'il avait connus et admirés dans les sables africains; n'allaient-ils pas, libérés par la paix avec l'Italie à laquelle cette agression soudaine avait acculé la Porte, accourir au secours de la Patrie, expérimentés, aguerris, inestimables auxiliaires? De fait, il devait revoir et Enver bey et Fethi bey, admirables entraîneurs d'hommes, animés toujours des mêmes vertus, et quelques-uns encore de leurs meilleurs camarades et collaborateurs. Mais, hélas! que pouvaient leur vaillance et leur foi, en présence du démoralisant état de choses créé par l'impéritie d'un gouvernement incapable, occupé seulement de misérables rivalités de partis?

Ainsi, une amère déception attendait ces braves qui avaient accompli, en d'autres lieux, d'un cœur si exalté, leur devoir de soldats. Rémond leur était attaché par trop de liens, périls courus en commun, joies, espoirs partagés, pour ne point s'associer à leur rancœur. Sa constance n'en fut point ébranlée et si, à ces hommes qu'il appréciait hautement, il ne ménage pas, parfois, les rudes vérités, il ne peut toutefois leur retirer ni l'estime, ni l'attachement qu'il leur a voués en des circonstances moins inclémentes.

De leur côté, des sentiments qu'il leur avait de longtemps témoignés, les Ottomans gardaient à Georges Rémond, et c'est encore à leur honneur, une cordiale gratitude. Ils la lui manifestèrent par l'accueil qu'ils lui réservaient à son retour au milieu d'eux, par les facilités exceptionnelles que, sitôt qu'il leur fut possible, ils lui donnèrent de se rendre au front et de tout voir, par ses yeux, d'où il lui plut. On trouve dans ce captivant livre assez peu de stratégie--point du tout, autant dire--non plus que de considérations savantes sur l'art de la guerre. Pourtant, personne n'a frôlé de plus près que son auteur le grand drame sanglant. Mais qu'on veuille bien se rappeler l'aventure de Fabrice au milieu des champs de Waterloo. Il est vrai qu'il n'eût tenu qu'à Rémond, plus favorisé en cela que le héros de Stendhal, de compiler, le soir venu, des documents d'état-major. Il a coquettement dédaigné cette source de science jaillissante à sa portée. Il a préféré se contenter de regarder, avec de bons yeux largement ouverts, ce qui l'entourait, de noter les impressions profondes qui l'émouvaient. En quoi son flair de journaliste et d'écrivain le guidait infailliblement: ce caractère de témoignage direct est l'une des qualités primordiales de son ouvrage.

Si prévenu que soit Georges Rémond en faveur des Turcs, un doute entame sa confiance dès le premier contact qu'il prend avec Constantinople. Certes, l'armée nourrit de grands espoirs. Elle les couve, plutôt, comme la cendre fait d'une braise. Il faut tisonner pour les découvrir. Un soldat que l'on questionne: «Où vous envoie-t-on?» répond tout franc: «A Sofia». Mais il le dit sans élan. Quant à la ville, au peuple, il est indifférent, apathique, impassible. Et bientôt un œil sûr a discerné le point faible de cette armée prête à s'ébranler, de cette nation--si c'en est une--qui va engager la lutte pour elle décisive: Elle n'a plus la foi.

Le train qui emporte les correspondants de guerre n'a pas démarré depuis vingt-quatre heures qu'on rencontre les premiers fuyards, le lamentable convoi des chariots primitifs escortés d'une pauvre foule apeurée,--et bientôt aussi les premiers vaincus: la débâcle est déjà commencée! Kirk-Kilissé a été une panique; Lule-Bourgas, après trois jours de combat, une déroute.

Ah! les lamentables, les lugubres tableaux! et quel regard plana jamais sur des visions plus horrifiques. Tous les maux que peut bien endurer l'humanité qui peine sont là ligués contre elle, la faim, le froid, l'épouvante, l'anéantissant désespoir. La nature elle-même conspire pour accabler les hommes. Ces abominations ont pour cadre un paysage diluvien, harcelé par la tempête, une «campagne liquéfiée», qu'opprime un ciel ruisselant. Enfin, voici vraiment le Roi des Épouvantements: le choléra, venu mettre le sceau à tant de détresses. Les plus funestes prédictions des prophètes en leurs anathèmes les plus véhéments sont dépassées. Si maître qu'il soit de sa plume, si pleines, si vigoureuses, si bellement émouvantes que soient les quarante à cinquante pages consacrées à décrire ces choses atroces, Georges Rémond se sent presque impuissant à exprimer tant d'effroi. Ce lettré, cet artiste, évoque Orcagna, Bossuet... les maîtres de l'expression. On sent qu'il pense à Dante: «Tout cela, dit-il, dépassait la parole et l'écriture». Eh oui, ce seraient des choses à vociférer avec le verbe de flamme d'un Isaïe ou d'un Ezéchiel.

Ce que dut être, au milieu de cette «orgie de souffrance et de désespoir» la vie du journaliste, on ne saurait guère l'imaginer. Tout cela pour procurer à quelque désœuvré attendant un soir sur la peluche rouge d'un café les partenaires accoutumés de la manille quotidienne, une distraction d'un quart d'heure! Ah! si l'on n'aimait pas, d'ardente passion, pour lui-même et pour soi, égoïstement, ce métier-là!...

L'armée turque bat en retraite,--sans être même très sûre d'être vaincue: les Bulgares ne la poursuivent pas, incertains s'ils sont vainqueurs. La résistance ottomane se concentre derrière les lignes de Tchataldja, où allait venir se briser l'élan de l'ennemi. Le choléra seul est sûr de sa victore. Il a suivi l'une et l'autre des deux armées. Il est le grand triomphateur. Seulement lorsque l'armistice est signé entre les belligérants, il consent, lui aussi, une trêve.     Djemal bey, gouverneur militaire de      Constantinople. Photographie prise      dans la cour du musée impérial des                     Antiques.

L'attention alors se reporte vers Constantinople, où un «Divan» solennel va décider de la paix ou de la guerre. Mais la grande résolution prise--consentie plutôt--c'est le sanglant «coup de théâtre alla Turca», l'assassinat de Nazim, l'acte révolutionnaire par lequel quarante mécontents ramenaient au pouvoir les Jeunes Turcs, au milieu du silence, de la stupeur, de l'apathie de ce peuple léthargique. Admirable occasion d'enquêter, de chercher à savoir les dessous de ce drame d'État. Hélas! malgré ses relations amicales avec quelques-uns de ceux qui en ont été les témoins, les acteurs, malgré tout son discernement, encore qu'il ait pu réunir les meilleurs témoignages, Georges Rémond ne parvient pas à déchiffrer l'énigme avec certitude: «L'âme de l'Orient nous est fermée, a-t-il écrit dès ses premiers chapitres, ses réactions profondes nous demeurent incompréhensibles.»

On inclinerait volontiers à croire que de tant d'hommes divers qu'il a coudoyés là-bas, dans les conditions pourtant, en face du danger couru en commun, où les cœurs se livrent plus aisément et plus complètement, il n'ait vraiment pénétré à fond qu'une seule individualité, mais une âme d'élite parmi l'élite, l'Homme, peut-être, de la Turquie actuelle: le colonel Djemal bey, à qui, on l'a vu, il a dédié son livre,--suprême marque de profonde estime, d'amitié, de gratitude, aussi, car il lui doit d'un de ses plus saisissants chapitres, le récit frémissant de toute la première partie de la néfaste campagne depuis les fautes des premiers jours jusqu'à l'irrémédiable catastrophe de Lule-Bourgas, où sombrèrent tous les espoirs de la Turquie. Je ne sais rien de plus poignant dans sa concision.

Au moment où, une fois encore, le sort d'Andrinople qu'on eût pu croire si bien, voilà un an, fixé pour des siècles, est remis en question, je ne voudrais retenir, de ses entretiens familiers avec le colonel qu'a rapportés de si expressive façon Georges Rémond, que ce seul paragraphe,--sur lequel on pourra méditer à loisir.

Mon colonel, lui disait-on devant moi, à quoi bon gaspiller encore tant d'hommes et tant d'argent? Que vous importent quelques tombeaux et quelques mosquées à Andrinople, qui continueraient d'exister sous un statut spécial? Pourquoi ne pas reconnaître la défaite et ne pas réserver pour l'avenir tant de forces aujourd'hui gâchées en pure, perte?» Et lui de répondre: «Ecoutez bien ceci: il ne s'agit pas de quelques tombeaux et de quelques mosquées; Andrinople, c'est pour nous aujourd'hui un cri de ralliement, le cri de ralliement de tous deux qui ont à cœur l'honneur de la Turquie; si les Bulgares la prennent et qu'ils prennent Constantinople, et qu'ils prennent Damas et Mossoul et Bagdad, et que je reste à Bassorah avec quinze Turcs, je réclamerai encore Andrinople. La paix tant que l'on voudra, mais la paix avec Andrinople! Que nos ministres le sachent bien, car, s'ils cèdent Andrinople, je referai moi-même la révolution contre eux. S'ils veulent la paix à tout prix, il leur faut être décidés à risquer leur vie pour elle!

Enfin, l'effroyable cauchemar cesse. Le 14 avril, à 5 heures du soir, on voit s'évanouir sur les hauteurs de Fanasakris le flocon blanc du dernier shrapnell. Avec la même impassibilité qu'elle avait accueilli le commencement des hostilités, Constantinople, «la ville sans âme», apprend, un matin, que la paix est proche. Que lui importe? Tandis qu'on souffre aux avant-postes, elle danse, applaudit des comédies stupides, non peut-être la ville entière, mais sa partie déjà conquise par l'étranger, Péra, Galata, quartiers des métèques. Douloureux contraste, et à quelles réflexions il nous doit inciter à quel retour sur nous-mêmes! Rémond ne peut retenir un cri d'alarme, le même que poussait naguère M. Stéphane Lauzanne, au retour des mêmes bords. Voix dans le désert, il faut le craindre...

Toutefois, ce tête-à-tête de six mois avec tant de laideurs, la faiblesse, le désordre, la criminelle veulerie, la défaite hideuse, enfin, n'a point entamé cette âme forte. Rémond a connu l'une après l'autre toutes les infamies de la guerre, ce que Saint-Victor appelle «le revers lugubre de la gloire militaire», mais il en a découvert aussi les poignantes beautés: les dernières lignes qu'écrit ce clairvoyant et ardent Français sont, pour nous, de virils conseils de vigilance, de sagesse, de fierté, d'énergie,--son dernier mot est un sursum corda sonore comme un coup de clairon.

Et maintenant, une fois refermé ce livre, aux deux tiers composé de tableaux de deuil et de désolants récits, je cherche à pénétrer le secret de son charme.

Ce par quoi il captive d'abord, c'est par sa vie, son mouvement, sa fièvre. Chaque page porte la marque d'une sensibilité frémissante comme la feuille du tremble. Las! à quelles tourmentes ne fut-elle pas

试读结束[说明:试读内容隐藏了图片]

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